#0016 Métal Urbain

Métal Urbain

Panik

Je dois avoir 11 ans, un carambar dans la bouche une coupe au bol vestige des années 6O, un pull marin des jeans Pantashop patte d’eph et une paire de Clark…

Nous sommes un mercredi après-midi de l’année 77 et dans le cocon du salon familial je regarde la télé sur la deuxième chaîne…

Il n’y a pas grand chose à faire, et les programmes de cette époque ne sont pas entièrement dédiés à la jeunesse.. c’est comme ça et c’est pas si mal. On y voit un Patrice Laffont vêtu à la mode seventies, cravate fleurie veste col pelle à tarte qui nous présente un programme mi culturel et divertissant pour le plus large des publics, mais on y voit aussi des ovnis et il arrive que la jeunesse prenne des claques télévisuelles et ça aussi c’est pas si mal…

Donc je suis assis par terre en tailleur un carambar à la bouche étiré en un long fil et dégoulinant, les yeux rivés sur le petit écran, les parents sont sur le canapé bavardent de la journée de boulot, Mme Machin et M. Truc blablabla meublent l’espace sonore et se mélangent au son de la télé, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes dans ce décor où prédomine le cyan et le jaune de grosses fleurs sur papier peint.

Et là, patatras, crac boum hue, déferle, dans cette douce morosité, une avalanche de bruit et de fureur, jamais vu ça jamais entendu ça, les yeux écarquillés je regarde l’écran de la télé, les parents s’arrêtent de parler interloqués. Le bruit et la fureur prennent en otage la tranquillité de cet après-midi, rien ne sera plus comme avant…

L’été précédent lors de vacances dans une Espagne qui redécouvre la démocratie, mon beau-père découvre les Punks arborant épingles à nourrice et svastikas. Pour lui gauchiste, c’est le retour de la bête immonde, donc ni une ni deux il saute du canapé pointe l’écran du doigt, fustige ces petits cons, les Riri Fifi et Loulou de Michel Sardou, on en finira jamais avec les fachos…

Le caramel  de mon carambar prend un goût étrange, que se passe-t-il ? Entre les vociférations de mon beau-père, j’entends, «  Panik aujourd’hui, tu braques le Président explose sa gueule, rougerougenoir panikanarchie… » je comprends rien de ce qui se passe autour de moi, j’ai basculé dans la quatrième dimension, rien ne sera plus comme avant, le vieux monde est mort…

Et même si je ne comprends pas tout, je pressens que ces jeunes gens grattent là où ça démange…Trois ans plus tard je me fais une coupe mohican au rasoir mécanique recouvre une veste de costard de tissus léopard et écossais, le début des emmerdes pour mes parents…